États-Unis et du Royaume-Uni. Elle souhaitait également améliorer l’ac-cès aux études pour les étudiants issus de groupes défavorisés sur le plan
socio-économique et permettre aux professeures d’atteindre la parité sa-lariale avec leurs collègues masculins. Elle s’est toutefois heurtée à beaucoup de résistance et de critiques.
Avant de devenir rectrice de l’Université Simon Fraser, Mme Jewett
comptait parmi la poignée de femmes siégeant au Parlement et « les organismes patriarcaux ne lui étaient pas inconnus », écrit Mme McKenzie.
« Pourtant, aucune de ses expériences ne l’avait préparé à la mentalité de
“club d’anciens” qui prévalait à l’Université Simon Fraser. » Frustrée, elle
a interrompu son premier mandat pour retourner à la vie politique.
« Elle était marginalisée et perçue comme une étrangère par beaucoup,
malgré sa vaste expérience du milieu universitaire », a affirmé Mme Marsden
lors de son discours à Londres en 2004.
Plus de 10 ans devaient s’écouler avant qu’une autre femme suive les
traces de Mme Jewett et s’installe dans le bureau réservé au recteur :
Marsha Hanen a été nommée rectrice de l’Université de Winnipeg en
1989, suivie peu après par Geraldine Kenney-Wallace à l’Université
McMaster, Elizabeth Parr-Johnston à l’Université Mount Saint Vincent,
Susan Mann à l’Université York et Mme Marsden à l’Université Wilfrid
Laurier en 1992.
Cette dernière estime qu’on doit ces débuts prometteurs à Janet
Wright, présidente et fondatrice de Janet Wright & Associates, une agence
de recrutement de cadres, qui a porté des candidates à l’attention des
comités de recrutement et des conseils d’administration et a veillé à ce
qu’elles soient incluses dans les bassins de candidats aux postes de rec-
teur. « Lorsque Janet tentait de me persuader de poser ma candidature à
l’Université Wilfrid Laurier, elle a demandé à Marsha [Hanen] de m’ap-
peler, se souvient Mme Marsden. Janet ne tentait pas seulement de trouver
des noms pour les comités de recrutement, elle agissait comme mentor
auprès de candidates potentielles. C’était révolutionnaire. »
La proportion de femmes dirigeantes a continué d’augmenter tout
au long des années 1990 avant que les chiffres stagnent de nouveau,
comme le souligne le rapport de M. Turpin. Encore aujourd’hui, beaucoup
d’universités n’ont jamais été dirigées par une femme. « Je trouve ça très
perturbant », affirme Vianne Timmons, rectrice de l’Université de Regina.
D’après elle, la difficulté à recruter des rectrices commence en amont,
du côté des provosts, des vice-recteurs et des doyens, parmi lesquels les
recteurs sont souvent choisis. « Lorsqu’un poste de vice-recteur s’ouvre, je
reçois principalement des candidatures masculines, souligne Mme Timmons.
C’est préoccupant. Où sont les femmes? »
Le milieu universitaire n’a rien d’anormal. Dans tous les secteurs d’ac-tivité, « les femmes se font de plus en plus rares à mesure qu’on approche
du sommet, explique Vandana Juneja, directrice principale de Catalyst
Canada. Les femmes se heurtent aux mêmes obstacles et difficultés » lorsqu’elles tentent de s’élever dans la hiérarchie.
Les raisons sont nombreuses et complexes, et ont peu à voir avec
l’éducation des enfants et les responsabilités familiales, contrairement à
la croyance populaire. Mme Juneja fait remarquer que même parmi les
hommes et les femmes qui ont fait des choix de vie similaires – comme
celui de ne pas avoir d’enfants – et qui aspirent à des postes de haute
direction, les femmes accusent un retard. « D’autres facteurs entrent en
jeu », précise-t-elle. Elle fait entre autres référence aux obstacles systé-miques, comme l’absence de modèles qui fait en sorte que les femmes
ont de la difficulté à s’imaginer dans un poste de direction, le manque de
réseaux informels et de mentors parmi les administrateurs de haut rang
et les préjugés profondément enracinés dans les pratiques d’embauche et
de promotion.
D’après Mme Timmons, les femmes qui occupent des postes de direc-
tion sont soumises au regard critique de l’opinion publique, ce qui ne fait
qu’aggraver la situation. Elle se dit abasourdie par le nombre de commen-
taires négatifs sur les réseaux sociaux qui font précisément référence au
fait qu’elle est une femme. « Je ne m’en fais pas trop lorsque les remarques
portent sur mes vêtements, mes cheveux ou même sur mon timbre de
voix. J’ai plus de difficulté avec celles qui m’attaquent en tant que mère,
explique-t-elle. Elles m’atteignent plus facilement. »
Elle lit malgré tout les messages et les partage lorsqu’elle prend la
parole devant des groupes d’administratrices de haut rang et pendant les
forums sur le leadership qu’elle organise à l’intention des femmes dans
sa collectivité. « Les femmes doivent être préparées à ce qui les attend,
« Lorsqu’un poste de vice-recteur
s’ouvre, je reçois principalement
des candidatures masculines.
C’est préoccupant. Où sont
les femmes? »
Vianne Timmons, rectrice de l’Université de Regina