croit-elle. Je veux leur donner l’heure juste. » Elle fait également ressortir
les bons côtés de l’emploi. « Chaque jour, j’ai l’impression de contribuer à
faire bouger les choses. C’est essentiel. »
En plus d’être moins susceptibles de diriger une université, les
femmes risquent davantage de voir leur mandat écourté une fois qu’elles
sont en poste. Selon Julie Cafley, vice-présidente du Forum des politiques
publiques établi à Ottawa, six des huit derniers recteurs qui n’ont pas
terminé leur mandat étaient des femmes. Plusieurs anciens recteurs avec
qui elle s’est entretenue dans le cadre de sa thèse doctorale, des hommes
comme des femmes, ont parlé d’une « culture mâle dominante » dans les
universités canadiennes, surtout au sein des conseils d’administration
et des équipes de haute direction – une situation similaire à celle que
Mme Jewett a vécue il y a plus de 40 ans.
« C’était véritablement un monde d’hommes, confie un ancien recteur.
Ça a été une expérience très désagréable pour moi, car j’étais pour la pre-
mière fois confronté à une mentalité de “club d’anciens”, avec toutes les
connotations négatives que ça implique. »
Une autre participante a confié : « Les gens ne vous prennent pas au
sérieux. Ils croient que vous ne connaissez rien aux chiffres et à l’argent.
Ils se donnent le droit de vous intimider, de vous malmener. »
Tout récemment, l’ascension d’une femme jusqu’au rectorat a pris
fin avant même le début de son mandat. Wendy Cukier, ancienne vice-
rectrice à la recherche et à l’innovation à l’Université Ryerson et fonda-
trice de l’Institut de la diversité de l’établissement, devait devenir la pre-
mière rectrice de l’Université Brock le 1er septembre. Cependant, quelques
jours à peine avant son entrée en fonction, le président du conseil d’admi-
nistration de l’Université, John Suk, a annoncé, sans vraiment fournir de
précisions, que la nomination avait été annulée à la suite d’une « décision
mutuelle ». Linda Rose-Krasnor, professeure de psychologie et présidente
de l’association des professeurs de l’Université Brock, affirme que la nou-
velle « a causé tout un choc et semé la confusion ».
pour surmonter certains obstacles auxquels les femmes se heurtent,
Universités Canada a lancé officiellement un réseau de dirigeantes
universitaires l’an dernier. L’initiative vise entre autres à mettre sur pied
un réseau de soutien pour offrir du mentorat aux nouvelles dirigeantes et
aux femmes qui aspirent au rectorat; à solliciter des allocutions et d’autres
occasions de renforcer la visibilité de ses membres; à veiller à ce que ses
membres soient candidates à des prix prestigieux, comme l’Ordre du
Canada et le prix Killam.
« Je souhaite que le réseau aide à promouvoir la valeur des femmes à
des postes de haute direction et qu’il offre aux femmes des occasions de
parrainage, mais je veux également qu’il se livre à des activités de promotion d’intérêts plus générales », explique Sara Diamond, rectrice de
l’Université OCAD.
Le réseau veut entre autres aborder les questions d’équité et de diversité au sein des conseils d’administration des universités et encourager
ceux-ci à appuyer les dirigeantes universitaires. « Si nous voulons voir le
nombre de rectrices augmenter, il faut inciter les agences de recrutement
et les conseils d’administration à envisager de nouveaux parcours pour
les femmes », estime Mme Diamond. Il faut également veiller à ce que les
femmes gravissent adéquatement les échelons dans le milieu universitaire
pour qu’elles acquièrent les compétences recherchées par les agences et
les conseils d’administration. « Les compétences de plus en plus prisées
pour ce genre de postes sont plutôt vastes, et il n’existe pas vraiment de
formation sur mesure », ajoute Mme Diamond.
Un groupe de rectrices a discuté de l’importance de la diversité à l’oc-casion de la conférence annuelle de l’Association canadienne des conseils
d’administration d’universités, qui s’est tenue à Halifax en avril. La promotion du leadership des femmes universitaires a également été un grand
sujet de discussion lors des réunions des membres d’Universités Canada,
qui ont eu lieu le même mois à Toronto. Le président-directeur général
de KPMG Canada, Bill Thomas, s’est adressé aux membres et parlé des
avancées de son entreprise en matière de promotion de femmes à des
postes de direction.
Selon M. Thomas, les préjugés inconscients forment le principal obstacle à l’avancement des femmes, et il a mis au défi tous les recteurs de ré-fléchir à la composition de leur propre équipe de direction et aux changements qui pourraient être apportés pour favoriser une pleine participation
« Les compétences de plus en
plus prisées pour ce genre
de postes sont plutôt vastes,
et il n’existe pas vraiment
de formation sur mesure. »
Sara Diamond, rectrice de l’Université OCAD