de plus en plus par les cargos et les navires de
croisière, mais qui n’a pas encore été étudié à
fond, explique le professeur de biologie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en
études des écosystèmes aquatiques à l’Université
Laval, Warwick Vincent. « Le choix du lieu
témoigne d’un engagement réel et durable au
profit de la recherche dans l’Arctique », affirme
M. Vincent.
Les chercheurs canadiens s’inquiètent toutefois du recul du financement de la recherche sur
l’Arctique. Ayant reçu 113 millions de dollars
depuis sa création en 2003 dans le cadre du programme fédéral Réseaux de centres d’excellence,
le réseau ArcticNet verra en effet son financement prendre fin en 2018. Les chercheurs crai-gnent également que la SCREA, du fait de son
coût élevé, relègue dans l’ombre les projets et
stations de moindre importance. D’autres esti-ment que cette infrastructure fixe contribuera
peu à stimuler la recherche sur le terrain dans
les régions éloignées du vaste Arctique canadien.
« Comme tous les chercheurs universitaires
qui travaillent dans le Nord, je suis inquiet. Les
possibilités de financement se raréfient, les ressources se concentrent sur la SCREA », confie
M. Vincent qui estime néanmoins que la SCREA
est un atout.
Sa création a d’abord été évoquée lors du dis-cours du Trône de 2007, dans lequel le gouvernement conservateur de l’époque annonçait son
intention de créer dans l’Arctique une station de
recherche « de calibre mondial ». Après avoir
envisagé divers sites, le gouvernement a finale-ment opté pour celui de Cambridge Bay.
Composée de multiples bâtiments, la SCREA
est en mesure d’accueillir des chercheurs tout au
long de l’année et de leur proposer des installations de recherche « de calibre mondial ». Le
bâtiment principal abrite une salle d’autopsie
équipée d’une grue permettant de hisser sur la
table de dissection boeufs musqués, phoques et
autres gros animaux. Il possède aussi un laboratoire froid pour l’étude des insectes, des graines
et des carottes glaciaires, un laboratoire ultrasté-rile pour l’examen des contaminants envi-ronnementaux et un phytotron pour l’étude des
effets du bioxyde de carbone et du réchauffe-ment sur la croissance des plantes.
« C’est vraiment super de disposer d’une salle
de dissection », souligne Susan Kutz, professeure
à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université
de Calgary, qui étudie l’incidence du changement
climatique sur la santé des boeufs musqués, cari-
bous et autres animaux sauvages. La Dre Kutz
explique que certains spécimens anormaux
devaient jusqu’à présent résister au long trans-
port jusqu’à Saskatoon, Calgary ou Guelph
(Ontario) pour une analyse approfondie. « Cer-
taines des analyses les plus pointues qui soient
pourront désormais être effectuées sur place. »
La SCREA comporte également des bureaux,
ainsi que des locaux permettant d’héberger
48 chercheurs. L’hébergement au sein des col-
lectivités nordiques n’est pas idéal et son coût
élevé restreint le nombre de jours que les cher-
cheurs et les étudiants peuvent passer sur place.
En cas de tempête et d’annulation de vol, les pla-
fonds budgétaires sont vite atteints.
La SCREA est gérée par Savoir polaire
Canada, un organisme dont le conseil d’administration fait rapport à Carolyn Bennett,
ministre des Relations Couronne-Autochtones
et des Affaires du Nord (ministère né de la
récente scission d’Affaires autochtones et du
Nord Canada en deux). La station fait aussi
partie du Réseau canadien d’opérateurs de
recherche nordique, qui regroupe des dizaines
d’instituts, d’observatoires et de navires océa-nographiques situés dans l’Arctique canadien et
dans des zones subarctiques.
À compter du prochain exercice, Savoir
polaire Canada disposera d’un budget de 29 millions de dollars consacré au financement de ses
frais de fonctionnement, des salaires du personnel et des subventions de recherche. Le président
de l’organisme, David Scott, précise que le
dernier appel de propositions a conduit à la
sélection de 43 projets financés sur deux ans,
parmi les 197 soumis.
Savoir polaire Canada accorde entre autres
la priorité aux projets axés sur une thématique
pertinente aux yeux des collectivités nordiques
du Canada. L’un de ces projets, dirigé par Trevor
Bell de l’Université Memorial, vise à cartographier l’évolution de la glace de mer dans la zone
côtière dans le but d’assurer la sécurité des moto-neigistes. Un autre vise à mesurer les effets des
incendies de forêt sur les écosystèmes aquatiques
nordiques. Selon M. Scott, deux types de financement, soit de courte et de longue durée, pourraient être accessibles à l’avenir.
« Il faudra, précise-t-il, veiller à ce que les
populations nordiques participent aux travaux
de recherche. Elles attendent des réponses à leurs
questions et possèdent un savoir précieux, en
particulier dans le domaine environnemental. »
– hannah hoag
projects from 197 applications for two years of
funding, its president, David Scott, said.
Projects that ask questions that are relevant
to Canada’s northern communities are among
Polar Knowledge Canada’s priorities. One project, headed up by Trevor Bell at Memorial University, maps changing sea ice in the coastal zone
with an eye to keeping people safe as they travel
across it on snow machines. Another project
tracks the effects of wildfire on northern aquatic
ecosystems. Dr. Scott said two streams of funding – short-term and longer-term – may become
available in the future.
“The bigger vision is getting northerners
themselves involved,” said Dr. Scott. “They have
questions that they want answers for, and they
have knowledge, particularly in the environmental domain.” – hannah hoag
Le Grand Nord
Ouverture de la nouvelle
station canadienne de
recherche dans l’Arctique
Les chercheurs en poste à Cambridge Bay, au
Nunavut, se pencheront sur des enjeux liés à
l’Arctique, comme le changement climatique
en octobre prochain, sous un soleil déclinant,
lorsque la neige commencera à s’accumuler sur
le village d’Ikaluktutiak (Cambridge Bay), au
Nunavut, le gouvernement canadien inaugurera
sa nouvelle station de recherche dans l’Arctique,
érigée au coût de 250 millions de dollars. Ce
complexe appelé Station canadienne de recherche dans l’Extrême-Arctique (SCREA), dont le
bâtiment principal aux tons cuivrés abrite à la
fois des laboratoires et un centre du savoir ancestral, vise à attirer des chercheurs de partout au
Canada et du monde entier dans le but de
générer de nouvelles données sur le Nord à
l’intention des décideurs.
Les chercheurs en poste à la SCREA se pencheront sur des enjeux liés à l’Arctique, comme
l’incidence du changement climatique sur les
terres, l’océan et les lacs voisins de Cambridge
Bay. Les énergies renouvelables, les infrastructures nordiques et la cryosphère (pergélisol,
neige et glace) compteront également parmi les
thèmes prioritaires.
La station se dresse en bordure du passage
du Nord-Ouest, un corridor maritime emprunté